Mesurer le redshift d’une galaxie

Equipement recommandé : Alpy, Lisa, Star Analyser

Durée : 1 à 4 h

Les spectroscopes basse résolution sont particulièrement adaptés à l’étude des galaxies lointaines comme les galaxies de Seyfert ou les Quasars. On peut facilement calculer leur redshift (noté z) et en déduire ainsi leur vitesse et leur distance. Voici en exemple le cas de la galaxie de Seyfert de type I : 2E 3934 (AD : 17h 40’ 25,611’’, DEC : +51° 49’ 42,33’’) dont la magnitude est de 15,2 (source SIMBAD).  On peut trouver un catalogue de ces galaxies sur SIMBAD :

http://simbad.harvard.edu/simbad/sim-ref?querymethod=bib&simbo=on&submit=submit+bibcode&bibcode=1988SoSAO..55….5L

Ces galaxies hébergent un trou noir en leur centre, entouré d’un disque d’accrétion en rotation rapide et émettent deux jets perpendiculaires au plan de la galaxie. Elles se caractérisent par un noyau très lumineux qui montre des raies spectrales en émission : des raies interdites comme [OIII] mais également des raies permises comme l’Hydrogène (la série de Balmer). Selon la ligne de visée que l’on peut avoir entre l’observateur et la galaxie on distingue 2 types de galaxies de Seyfert :

Les type I : qui montrent à la fois des raies fines (raies interdites d’un milieu très dilué situées plutôt à la périphérie de la galaxie) et des raies larges (raies permises situées dans le disque d’accrétion en rotation rapide), la forte vitesse de rotation du disque d’accrétion qui peut être très importante jusqu’à 10 000 km/s.

Les Type II : qui ne montrent que des raies fines interdites du fait de la ligne de visée masquant le centre de la galaxie. Le spectre ne montre donc que les raies en emission situées à la périphérie de la galaxie.

Schéma de principe (Crédit photo : NASA)

Champ du capteur d’autoguidage du spectroscope

Pour les acquisitions, on positionnera le centre de la galaxie dans la fente du spectroscope. Le guidage pourra s’effectuer sur une étoile proche de la galaxie. Selon votre optique, il sera nécessaire de poser 1 à 2h, voir plus, en fractionnant les poses par tranches de 600 à 1200 secondes selon la magnitude de la cible. Sur des poses unitaires on obtient un spectre similaire à celui ci-dessous.

Après avoir traité le spectre avec des logiciels comme Demetra, ISIS ou Vspec, il doit ressembler à celui ci-dessous (cas d’une galaxie ayant un redshift z=0,06). Le niveau de bruit du spectre dépendant du temps de pose total sur la cible.

On obtient un spectre décalé fortement dans le rouge avec des raies facilement identifiables et des raies de Balmer très larges : la raie H Alpha se retrouve ainsi décalée vers le rouge à 6970 Å alors que sa valeur “au repos” est de 6563 Å.  La mesure de la largeur à mi-hauteur (FWHM) de cette même raie indique une vitesse de rotation du disque d’accrétion de la galaxie de 2 560 km/s. On pourrait calculer la masse du trou noir à condition de connaître la distance du disque d’accrétion par rapport au trou noir.

Le graphe ci-dessus indique comment mesurer une largeur à mi-hauteur (FWHM)  d’une raie. Les logiciels dédiés au traitement de spectres permettent de réaliser cette opération automatiquement. La relation entre la largeur à mi-hauteur et la vitesse de rotation est donnée par la relation :

Avec c, la vitesse de la lumière en km/s, Δλ la largeur de la raie en Ångström et  λ la longueur d’onde nominale de la raie (par exemple Hα = 6562,82 Å).

Pour calculer le redshift de la galaxie, on va mesurer le décalage de chaque raie identifiée en longueur d’onde (λ1) et qui sera comparé avec la valeur respective de chaque raie au repos (λ0)

Sur le spectre, on distingue 2 types de raies en émissions :

Des raies larges d’hydrogène de la série de Balmer (Hα, Hβ, Hγ et Hδ) qui correspondent à la matière du disque d’accrétion en rotation rapide autour du trou noir, une région dense ou seules les raies permises peuvent exister. La mesure de la largeur à mi-hauteur de ces raies (voir calcul ci-dessus) permet de calculer la vitesse de rotation de ce disque, plus la raie est large, plus la vitesse de rotation est grande.

Des raies plus fines toutes interdites comme les raies , [OI] et [OIII] qui sont présentes dans la galaxie mais pas dans le disque d’accrétion. (Leur largeur indique qu’elle n’ont pas la même vitesse).

Pour calculer la vitesse radiale de cette galaxie, on utilisera l’équation Doppler-Fizeau ci-dessous tenant compte également de l’effet de la vitesse relativiste de la source :

Avec c= 299 792,458 km/s, λ1 valeur mesurée de chaque raie, λ0 valeur au repos de la raie. La vitesse calculée est donc en km/s. Le terme de l’équation juste après c est en fait le facteur de redshift z. (d’ou l’équation simplifiée Vr = c . z ).

A partir de Vr, on peut calculer la distance en année-lumière de cette galaxie avec la relation :

Avec pour la constante de Hubble, l’une des dernière valeur connue : H0= 73,02 Mpc.

 

Ce tableau fait le récapitulatif des mesures effectuées sur chacune des raies où au final, on fait la moyenne de toute les mesures.

L’incertitude des mesures pourra être calculé en fonction de la résolution du spectrographe utilisé ( de l’ordre de 30 à 200 km/s selon qu’il s’agit d’un Star analyser, d’un Alpy ou d’un Lisa).

Dans le cas présenté, le redshift calculé est z=0,061 (SIMBAD indique également un z=0,061), on peut donc calculer un redshift très précis sur ce genre de galaxies lointaines avec un spectrographe basse résolution ou le décalage est conséquent.

On peut réaliser la même expérience sur des quasars ou blazars beaucoup plus lointains mais il sera plus difficile d’identifier les raies car le décalage dans le rouge sera tellement important que la raie H alpha va «disparaitre» du domaine visible du spectre. Le graphe ci dessus monte le spectre du quasar 3C273 avec z=0,158.

Références  :