UVEX : Spectres extremes

Par Olivier Garde

Introduction

A travers cet article, je vais montrer ce que l’on peut réaliser comme spectres avec un UVEX équipé du réseau standard de 600tr/mm et qui permet d’obtenir des résolutions variant de R=820 @ 350nm jusqu’à R=2500 @ 950nm.

Voici le setup que j’ai utilisé pour faire les spectres de cet article (sauf pour le spectre du quasar décrit plus loin). L’UVEX est équipé du module d’autoguidage Alpy 600 avec une caméra ZWO ASI 174 mini utilisé en binning 1×1, avec des pixels de 5,86µm. La caméra spectrale est une ASI 183 MM pro utilisée en binning 1×1, soit des pixels de 2,4µm. Le module de calibration ALPY 600 est aussi installé dans la chaine optique. Pour la partie proche IR, il est nécessaire d’installer un filtre d’ordre qui permet de couper l’ordre 2 que l’on commence à voir à partir de 720-750nm. On peut utiliser le filtre d’ordre qui s’installe à l’intérieur de l’UVEX. Sur ma configuration, j’ai utilisé un porte filtre de 2 pouces à tiroir ou j’ai inséré un filtre d’ordre qui coupe les longueurs d’ondes >530nm et donc qui permet d’obtenir un spectre sans l’ordre 2 jusqu’à 1060nm. On peut aussi utiliser un filtre qui coupe plus haut comme un 570nm ou 610nm. Le filtre est à insérer uniquement si l’on souhaite faire un spectre dans le proche IR, disons à partir de 760nm. Le télescope est un Ritchey-Chretien de 305mm de diamètre à f/8, ne comportant donc que des miroirs le tout monté sur une monture équatoriale Allemande 10 microns 2000 HPS . Le setup est controlé en remote.  

Exploration du proche UV

J’ai commencé à faire des spectres dans le proche UV. Pour bien positionner le réseau sur la plage en longueur d’onde souhaitée, on peut s’aider de jour sur le spectre de la lumière Solaire en repérant facilement les raies H et K du Calcium II.

On dispose déjà l’aiguille sur le Vernier à la longueur d’onde de 350-400nm, puis on prendra des poses courtes sur la lumière solaire (sans pointer le Soleil bien sur) en continu et en cherchant à positionner les raies H et K de telle manière à avoir la raie K à 983 pixels sur l’axe des X, ce qui permet d’avoir la partie extrême bleu du spectre entre x=0 et x=883. H est à 3968 Å et K est à 3933 Å.
Voici le spectre Solaire dans cette plage en longueur d’onde dans le proche UV ou j’ai indiqué les longueurs d’ondes de certaines raies remarquables du Soleil. On peut aller assez loin dans le proche UV, mais les facteurs limitants sont :

  • Le rendement quantique et la technologie de la caméra qui ne permet guère d’aller plus loin que 3300 Å
  • Le hublot de la caméra qui n’est pas très bon pour transmettre le proche UV. ll atténue fortement le flux en dessous de 390nm environ.  On pourrait remplacer le hublot d’origine par un autre ayant un meilleurs rendement de transmission dans cette partie du spectre.

Maintenant que l’UVEX est réglé pour cette plage en longueur d’onde, on va pouvoir faire des cibles la nuit sur des étoiles remarquables.

Ma première cible a été l’étoile HD 123299 de type A0III et de magnitude V=3,65. L’image ci dessus montre une pose unitaire de 120s alors que l’étoile était à une hauteur dans le ciel de 52°.
Le graphe montre le spectre traité de HD 123299 avec 25 poses de 120s chacune, soit une pose totale de 50 minutes. Le temps de pose peut paraitre important pour une étoile de magnitude V=3,65 mais si l’on souhaite avoir du flux dans la partie bleue extrême ou le rendement quantique de l’ASI 183 n’est de 10-15 %, il faut donc augmenter le temps de pose total.
Un autre essai sur une cible de magnitude V=3,58 : Chi Dra de type F7V avec les raies H et K.    
Sur Kap Dra (magnitude V=3,89) on voit le saut de Balmer mais aussi les premières raies atmosphériques de Huggins (Ozone O3). En bleu, le spectre obtenu avec l’UVEX, en noir, le modèle de ces bandes récupéré dans cette publication scientifique.

Exploration du proche IR

Cette fois on oriente le réseau de 600 tr/mm du coté du proche IR. On dispose l’aiguille du Vernier sur la position de 800-900nm.

La encore on va pouvoir faire le réglage durant la journée en s’aidant de la lumière solaire. J’ai ici calé le spectre en disposant les raies atmosphériques présentes à partir de 7600 Å sur le bord gauche de la caméra. C’est un bon moyen visuel pour reconnaitre cette série de raies. La plage spectrale observable avec un capteur IMX 183 comme celui de l’ASI 183 MM pro est de 2200 Å, donc en calant les bandes à 7600 Å, on pourra obtenir un spectre jusqu’à 9800 Å. Mais on aurait pu aller beaucoup plus loin dans le proche IR jusqu’à 10.500 Å environ. (plus loin dans le proche IR, la caméra ASI 183 devient un peu aveugle).
Une fois calibré en longueur d’onde, voici le spectre solaire avec ces raies caractéristiques du Calcium II coté proche IR. Durant la nuit, j’ai pointé Regulus de mag. V=1,4, une étoile chaude de type B8IV. Le réglage est identique à celui fait de jour sur la lumière solaire.
On peut voir sans problèmes les raies de l’hydrogène de la série de Paschen dans le proche IR (comme pour le visible avec les raies de Balmer).
Et voici le graphe du spectre de Regulus. On aurait pu obtenir la raie de Paschen #7 à 10.049,4 Å, voir la #6 à 10.938,1 Å  si le spectre avait été centré un peu plus à droite coté rouge.

Un quasar quadruple avec l’UVEX

Toujours avec le même réseau de 600tr/mm, on a tenté avec Christian Buil, Pascal Le Dû et Pierre Dubreuil, un spectre du quasar quadruple J014709+463037 de magnitude V=15,4 pour la composante la plus lumineuse. Ce quasar est plus connu sous le nom de : “Parachute d’Andromède”.

Installation de l’UVEX sur le télescope de 1m avec Christian et Olivier (Photo : Pierre Dubreuil)

Cette fois on a utilisé un télescope un peu hors norme pour l’UVEX : un télescope Cassegrain d’un mètre de diamètre du C2PU de Calern sur les hauteurs de la Côte d’Azur. L’UVEX n’est pas spécialement dédié pour de “gros” télescopes mais plutôt à des diamètres de 200 à 400mm. Mais on va voir que l’UVEX fonctionne tout de même sur ce type de télescope.

L’UVEX installé sur le T1m à Calern (Photo : Christian Buil)

Champ du capteur d’autoguidage

Ce quasar est une lentille gravitationelle quadruple avec un z=2,377. L’élément D est le plus faible, ce n’est pas lui que nous avons disposé dans la fente mais le groupe A, B, C qui est beaucoup plus lumineux.
Voici le spectre de ce quasar avec 5 poses de 900s. On voit très bien la raie Lyman Alpha dû au redshift très important de ce quasar. La raie Lyman Alpha est située au repos à 1215,67 Å dans l’extrême UV.
Et la comparaison avec un spectre issu d’une publication et qui a été réalisé avec le Keck Cosmic Web Imager, un spectrographe de champ intégral installé à Hawaï sur le Mona Kea.

Conclusion

On peut voir que l’UVEX se comporte très bien dans les longueurs d’ondes autre que le domaine du visible en abordant le proche UV et proche IR grâce à son design optique à base de miroirs (en non pas de lentilles). Bien que dédié à des télescopes de diamètres compris entre 200 et 400mm (Ritchey-Chretien à f/8), il peut aussi être utilisé sur des télescopes plus grand pour aller explorer des objets faibles. Les exemples montrés ici ont été tous réalisé avec un réseau de 600 tr/mm (réseau livré en standard avec le sepctrographe) mais il existe 4 autres réseaux de 150, 300, 1200 et 1800 tr/mm permettant d’obtenir d’autres résolutions spectrales.